En 1982, lorsque la Caisse de développement de la Corse est créée dans l'île - comme dans les autres régions - elle a pour objectif de financer les PME-PMI. À l'époque, un seul actionnaire, l'État. Dix ans plus tard, c'est la descente aux enfers. Avec deux années noires en 1994 et 1995. D'une part, en raison d'une ressource chèrement payée et présentant une marge faible.
D'autre part, du fait de choix de développement qui se sont avérés peu adaptés. Reste qu'il est facile de jeter la pierre après coup. En 1995, la Cadec et sa filiale Corsabail cessent tout financement. Mais avec un encours de crédit qui continue à être remboursé. En 1997, la nomination de François Dominici distribue une nouvelle donne. Payante. C'est ce que confirme le bilan dressé, hier matin, par le président du conseil d'administration accompagné du directeur général, Alex Vinciguerra.
Dette remboursée
« En quinze mois d'activité, et après quinze difficiles années de recouvrement, la Cadec* et sa filiale ont effacé l'image d'incertitude et de risque qui pesait sur les financements accordés dans la décennie 1983-1994, trop injustement décriés, analyse François Dominici. Près de 300 millions de dette ont été remboursés en treize ans. Aujourd'hui, la relance de nos activités prêteuses, la gestion efficiente de fonds publics dédiés au développement et la pratique originale de nos modèles d'ingénierie ont redonné à nos sociétés financières toute leur place dans l'économie ».
Après avoir disséqué les principaux freins à l'essor des entreprises corses, les responsables de la Cadec en ont tiré deux enseignements.
D'abord, le constat que les sociétés insulaires, malgré la qualité de leurs comptes sociaux, présentaient un potentiel d'investissement n'étant que très modérément couvert par le crédit bancaire. Ils y ont donc apporté une réponse avec l'instauration - en janvier 2011 - des avances remboursables dont ils obtiennent la bonification à taux zéro par la CTC. Cette dernière ayant répondu à la problématique. Un an après, l'effet levier peut être jaugé : un euro mobilisé par la Cadec génère trois euros libérés par les banques et six euros investis dans l'entreprise.
Ensuite, « en lien avec le plan régional des zones d'activités, l'autre solution retenue a consisté à réamorcer l'offre de crédit-bail immobilier qui restait confidentielle faute de sociétés locales autres que Corsabail »,explique Alex Vinciguerra.
Le Feder à bon escient
Pour fonctionner, la Cadec a besoin de ressources. Outre les fonds propres de ses sociétés confiés par les actionnaires ainsi que les fonds originels de l'État et de la CTC entièrement recouvrés, le regain d'activité s'est renforcé par la gestion de nouveaux fonds publics alloués au développement économique. « Ceux confiés par l'Agence du tourisme de la Corse ainsi que l'enveloppe européenne Feder ont permis, dès cette première année, de présenter une dynamique significative de cofinancement », détaillent les deux hommes.
Concernant les fonds européens, les chiffres sont éloquents. La vertu majeure des dossiers de la Cadec résidant dans leur simplicité, plus d'une centaine d'entreprises corses ont bénéficié en six mois de six millions d'euros. Autre avantage non négligeable : l'opportunité d'éviter le fameux dégagement d'office.
Au-delà des deux métiers de la Cadec - financer l'économie insulaire et gérer les deniers consacrés au développement de cette dernière - la Caisse a également su faire reconnaître sa capacité d'ingénierie. De sorte qu'elle a été sollicitée par le conseil exécutif de l'assemblée de Corse qui l'a donc chargée de deux missions d'études. « Sur l'optimisation de la mise en œuvre des fonds européens au profit des PME/TPE (2) de l'île. Et sur l'émission par la CTC d'un emprunt obligataire permettant la constitution d'un nouveau fonds d'intervention en faveur des entreprises de l'île ».
19 Me engagés
Après quinze mois d'activité, quelques chiffres donnent une idée du travail accompli : 196 projets d'investissement (tous secteurs confondus) ; 19 millions d'euros engagés ; 68 millions d'euros de financement bancaire levés ; 117 millions d'euros d'investissements générés ; 291 emplois créés et 1.915 consolidés. Les idées sont nombreuses, variées et innovantes. « Nous avons demandé une extension de notre agrément bancaire afin de pouvoir financer les dossiers industriels et commerciaux des petites collectivités et établissements publics (pour des microcentrales, des associations foncières pastorales). Avec l'Adec et les CCI, nous planchons également sur un meilleur accompagnement de la transmission d'entreprise et de l'innovation ».Sans oublier, une collaboration fructueuse avec la Capa, le conseil général de la Corse-du-Sud et l'Office de l'environnement de la Corse.
Modèle existant
Quid pour finir du rôle que pourrait jouer la Caisse après l'annonce faite par le nouveau président de la République d'une redéfinition du soutien à l'investissement des PME/TPE ? « Nous sommes persuadés qu'en Corse, le modèle recherché existe déjà. Contrairement aux modèles centralisés nationaux, notre place originale d'assembleur public-privé des politiques de soutien à l'investissement, est mieux adaptée à la réalité insulaire. La proximité, l'implication et la rigueur demeurent des atouts de taille pour rapprocher les fonds publics et l'épargne locale de l'investissement productif en Corse »,convainc François Dominici.
L'un des meilleurs arguments de la Cadec ? Une ligne dont elle ne dévie pas. Consistant à accompagner les entreprises de l'île qui apportent une valeur ajoutée au territoire insulaire. Quantifiable.
*Les actionnaires de la Cadec sont aujourd'hui : la CTC, la Caisse des dépôts et consignations, le groupe Crédit coopératif, la Caisse d'épargne et Safidi (filiale d'EDF).
**PME/TPE : petites et moyennes entreprises/très petites entreprises.